Ce texte a été écrit comme une introduction pour les ateliers de création audiovisuelle, dans le cadre du Programme pilote pour la formation des enseignants et l’application de la pédagogie Freinet dans l’école publique hellénique. Le programme est réalisé par le groupe pédagogique pour la promotion de la pédagogie Freinet en Grèce « Skasiarheio. Tâtonnements expérimentaux pour une école de la communauté » en collaboration avec le Département de Politique Sociale et Éducative de l’Université de Péloponnèse et le Département d’Éducation en Âge Préscolaire de l’Université d’Athènes. Il est placé sous l’égide du Ministère de l’Éducation, avec la collaboration de l’Institut de Politique Éducative.
Le cinéma dans une classe Freinet n’a aucun rapport avec « l’éducation audiovisuelle » qui de nos jours est très à la mode en complément d’une éducation moderne, vu que les médias jouent un rôle essentiel et parfois déterminant dans notre vie. Ceci parce que le point de départ et le contenu en sont différents.
Très peu de temps depuis que le cinéma a été reconnu comme art (et ceci est arrivé dans la période 1914–1920), le mouvement de l’École Moderne l’a reconnu comme un outil essentiel de la procédure éducative, au même titre que toutes les nouvelles technologies de l’époque. Une procédure qui a conduit en 1927 à la création de la « Cinémathèque Coopérative de l’Enseignement Laïc », outil de base pour le développement de la création cinématographique à l’école.
Ceci est arrivé à une époque où, spécialement en Grèce, des livres et des publications de la presse, mais aussi des prises d’opinion officielles du Ministère de l’Éducation et de l’Église, proclamaient le cinéma le plus grand ennemi des jeunes, avec très peu d’exceptions. Au fil des ans le mouvement Freinet a accumulé de l’expérience. Par sa philosophie même, il intègre et dépasse de façon créative les nouvelles technologies. Il en va de même avec les progrès techniques dans le domaine des moyens d’enregistrement, d’élaboration et de distribution.
Sur cette base, nous n’avons pas affaire avec l’éducation audiovisuelle comme une matière de plus, surement utile sinon nécessaire de nos jours, mais avec l’utilisation des moyens audiovisuels dans un enseignement qui sert :
– une école ouverte à la société (qui s’étend de la communauté à l’univers entier) ;
– la connaissance qui vient du monde extérieur et que le professeur aide les enfants à découvrir ;
– le développement des capacités de réception et d’élaboration des images en même temps que des idées qui y sont contenues, qui nous bombardent quotidiennement ;
– l’expression créative des élèves ;
– la création audiovisuelle des élèves comme moyen de communication, de dialogue et de collaboration, à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières nationales.
En ce qui concerne le contenu de l’enseignement, celui-ci ne peut pas être limité à la technique (utilisation de la caméra, élaboration de l’image et du son). Derrière et par-dessus tout, c’est le cinéma comme art qu’on doit y retrouver. Un art avec une manière d’écriture particulière, ses propres règles et sa propre esthétique.
Nous devons nous battre contre une idée erronée qui domine malheureusement et qui est fondée sur la facilité d’utilisation des moyens digitaux de création audiovisuelle. De même que quiconque qui possède du papier et un crayon ne pourrait se proclamer écrivain, quiconque a une toile et des couleurs ne pourrait se proclamer peintre, il en va de même pour celui qui a une caméra, et ne peut se proclamer cinéaste.
MANIÈRES D’UTILISATION
Nous allons citer toutes les façons dont le cinéma a été utilisé à travers le temps et jusqu’à présent et qui peuvent constituer un outil d’apprentissage et de création.
1. Je regarde des films dans la classe.
Le cinéma comme source d’informations utiles. Il s’agit surtout de documentaires, mais n’en sont pas exclus d’autres genres cinématographiques, films de fiction ou dessins animés. À ce niveau, le rôle du cinéma se limite à celui d’un support pédagogique. Comme un prolongement des livres, intéressant et attirant. Mais même dans ce cadre , il va au de-delà, le cinéma fonctionne comme une fenêtre sur le monde.
À noter : cette utilisation du cinéma à l’école est presque la première depuis son apparition en 1895. Le mouvement Freinet profite de l’apparition en 1922 du film amateur de 9,5 millimètres à la place du film professionnel de 35 mm, cher et difficile à utiliser.
2. Je regarde des films de contenu artistique.
Dans ce cas, la salle de cinéma qui assure les meilleures conditions de projection est choisie. Ici on ajoutera l’éducation esthétique, l’approfondissement dans la langue cinématographique. Du matériel pédagogique pour chaque film – s’il en existe –, devient un outil très utile dans les mains de l’enseignant. L’enfant est ici spectateur-critique. Prolongement utile de cette fonction, les projections pour la communauté.
À noter que le mouvement Freinet pendant la période d’avant-guerre n’a opté que pour cette dernière. Les appareils de projection autosuffisants de 9,5 mm offraient la possibilité de projection dans des villages sans courant électrique. Ces projections pour les adultes apportaient de l’argent à l’association.
3. Je crée des films dans le cadre du cours et pour servir à la procédure d’apprentissage.
Tous les enfants de la classe y participent. Le cours prend la forme de jeu. Échange de films avec d’autres écoles. La contribution de Freinet est importante : échange de films avec d’ autres écoles, dont certains sont réalisés dans le réseau des imprimeurs des 1926. En 1932 le CEL, se transforme en société de production pour le film realise par Yves Allegret «Prix et profits». Nouvelle collaboration professionnelle en 1948 avec Jean Paul Le Chanois pour « L’École buissonnière » (1948). Entre 1951 et 1952 seront réalisés l’ essentiel des films tournes a l’ecole du Pioulier a Vence avec Michel –Edouard Bertrand (MEB)
4. Je crée des films aux exigences artistiques.
Des courts métrages, des documentaires, des fictions ou d’animation. Participation volontaire des enfants à travers des groupes cinématographiques. À ce stade, on passe à une approche actionnelle. L’application pratique de l’éducation artistique.
À noter que ça correspond à l’imprimerie à l’école (à l’instar du texte imprimé dans la première conception de Freinet de l’imprimerie à l’école), mais avec des moyens de création modernes.
5. L’ouverture de l’école vers l’extérieur
Ce cinquième stade est en réalité un élargissement du quatrième.
L’objectif, en prenant comme outil le film, c’est au moyen de la projection du film à un public le plus large possible : participation à des festivals, des concours, des manifestations, etc., en Grèce ou à l’étranger, invitation à des voyages en vue de la présentation du film. La « communauté » est désormais le monde entier. Ici le cinéma, de « fenêtre sur le monde » qu’il était, fonctionne comme le chemin vers le monde. On exploite toutes les possibilités de l’Internet.
Il n’y a pas de hiérarchie quelconque dans les stades décrits ci-dessus. En fait tous constituent des stades d’une procédure unique.
MOYENS
Pour la matérialisation de cette procédure sont exigés des moyens qui doivent d’une part être revendiqués auprès du ministère de l’Éducation nationale et d’autre part être issus du fonctionnement coopératif des écoles.
Il est demandé entre autres :
– l’existence d’une cinémathèque ou d’une base de données des films utiles à l’école. Les films doivent être accompagnés de matériel de documentation (textes, photos, vidéos) ;
– la collaboration avec des professionnels du cinéma dans le domaine de la création ;
– le fonctionnement coopératif, la collaboration entre écoles pour l’apport d’une aide technique ou de savoir, l’utilisation d’Internet et des médias sociaux ;
– la formation continue des enseignants, étant donné que tout change autour de l’enregistrement digital et de l’élaboration de l’image et du son ;
– la recherche et la revendication des possibilités pour une distribution de films plus large et pour le déplacement d’élèves et d’enseignants en Grèce et à l’étranger.
Nikos Theodosiou
Nikos Theodosiou, écrivain, réalisateur de films documentaires, éducateur à l’image, membre du Comité de Direction du Festival International de Cinéma d’Olympie pour l’Enfance et la Jeunesse, directeur artistique de Camera Zizanio (Festival Européen de films réalisés par des enfants et des jeunes).